
Une nomenclature des actes médicaux obsolète qui étouffe le secteur médical libéral au Maroc
Par Dr Anwar CHERKAOUI
Expert en communication médicale et journalisme de santé
Au Maroc, le malaise du secteur de la santé privée ne vient pas seulement du « noir » qui circule dans certaines transactions, mais d’une nomenclature tarifaire totalement dépassée.
Cette tarification, héritée d’une autre époque, ne correspond plus ni aux réalités économiques, ni au coût réel des soins, ni à l’évolution technologique des actes médicaux.
Prenons un exemple concret : une journée d’hospitalisation en vue d’un acte chirurgical, est encore cotée à 550 dirhams.

Après déduction des consommables (250 DH) et des repas (150 DH), il reste à peine 150 dirhams à partager entre la clinique, le médecin et l’infirmier.
En réanimation, la situation devient absurde : 1 500 dirhams pour ventiler un patient alors que deux bouteilles d’oxygène coûtent déjà 1 200 dirhams.
Face à cette équation impossible, les cliniques se retrouvent prises au piège :
Si elles facturent correctement les actes, la CNOPS et la CNSS refusent de rembourser les patients au motif de dépassement d’honoraires ;
Si elles contournent partiellement le système pour aider le malade, elles risquent la déconvention, une sanction lourde qui peut les exclure du réseau des établissements agréés.
Plus grave encore : toute tentative de transparence – par exemple, déclarer un supplément justifié et imposé – est systématiquement rejetée par les organismes payeurs.
Résultat : les établissements privés oscillent entre deux choix douloureux : refuser le patient ou bricoler pour survivre.
Cette situation n’est pas une dérive morale, mais un cri d’alarme économique.
Tant que l’État n’actualisera pas la nomenclature nationale des actes médicaux, chirurgicaux et biologiques, le système restera bancal : les praticiens seront accusés de pratiquer le noir, les mutuelles se retrancheront derrière leurs barèmes, et les patients continueront à payer le prix fort – sonnant et trébuchant.
Il est temps de remettre à plat cette architecture tarifaire archaïque et d’instaurer une tarification réaliste, transparente et équilibrée, qui respecte à la fois le droit du patient à être remboursé et le droit du médecin à vivre dignement de son métier.
Mots-clés: Couverture Sanitaire, Nomenclature